La CCE publie un dossier factuel sur l’application effective des lois environnementales dans le cadre de la communication SEM-21-002 (Marsouin du golfe de Californie)
Tiohtià:ke (Montréal), le 19 août 2025 — Le 18 août, le Secrétariat de la Commission de coopération environnementale (CCE) a publié le dossier factuel relatif à la communication SEM-21-002 (Marsouin du golfe de Californie) déposée le 11 août 2021 par le Center for Biological Diversity (Centre pour la diversité biologique), l’Animal Welfare Institute (Institut pour le bien-être des animaux), le Natural Resources Defense Council (Conseil pour la défense des ressources naturelles) et l’Environmental Investigation Agency (Agence d’enquêtes environnementales) [ci-après « les auteurs »], dans laquelle ils allèguent que le Mexique omet d’assurer l’application effective de ses lois environnementales pour protéger le marsouin du golfe de Californie (Phocoena sinus).
Selon les auteurs, le Mexique omet d’appliquer de manière effective la Ley General de Vida Silvestre (LGVS, Loi générale sur les espèces sauvages) et son règlement d’application, ainsi que diverses ordonnances visant à protéger le marsouin du golfe de Californie, une espèce gravement menacée par la pêche illégale au totoaba (Totoaba macdonaldi) dans le haut golfe de Californie.
Le 26 juin 2024, les membres du Conseil de la CCE ont donné instruction au Secrétariat de constituer un dossier factuel, couvrant tout particulièrement l’application effective des dispositions suivantes : (1) l’article 55 de la LGVS, en lien avec les mesures mises en place pour appliquer de manière efficace cet article dans le contexte du trafic illégal de totoaba; (2) l’article 56 du règlement d’application de la LGVS, en lien avec les mesures mises en place pour appliquer de manière efficace cet article dans le contexte du trafic illégal de totoaba; (3) l’ordonnance interdisant la pêche au totoaba de 1975, en lien avec les mesures prises pour appliquer de manière efficace l’interdiction; (4) l’ordonnance de 2020 sur les filets maillants, en lien avec les mesures prises pour appliquer de manière efficace l’ordonnance.
Le dossier factuel fournit des informations sur le marsouin du golfe de Californie, le plus petit cétacé du monde et le mammifère marin le plus menacé, ainsi que sur le totoaba, un poisson de mer vivant en bancs et dont l’habitat recoupe partiellement celui du marsouin. Aidés par des données de surveillance acoustique et d’estimations de la taille de la population obtenues à partir de méthodes statistiques avancées, les chercheurs estiment que la population de marsouins a diminué d’environ 99 % entre 1997 et 2018. En 2018, il a été estimé qu’il restait moins de 19 individus et qu’il était plus de 99 % probable que la population ait diminué à un taux moyen supérieur de 33 % par an au cours de la période 2011-2018 (représentant un déclin plus important que la baisse annuelle de 7,6 % enregistrée entre 1997 et 2008). Le Mexique soutient que la tendance observée dans la zone de tolérance zéro (ZTZ), située à l'intérieur de l’aire de refuge pour la protection du marsouin (ARM), indique qu'entre 2021 et 2023, la population de marsouins a diminué à un taux de -0,15 %, soit un taux inférieur à celui estimé pour la période 2011-2018. L'étude réalisée dans la ZTZ en 2022 a pointé vers une augmentation progressive du taux quotidien de détections acoustiques, probablement en raison de l'installation de dispositifs anti-filets, lesquels ont un effet dissuasif sur l’utilisation de filets maillants et contribuent à éviter la présence de filets dans la ZTZ. Les plus récentes activités de surveillance ayant recours à la méthode d’observation visuelle réalisées en 2024 laissent croire qu'il existe au moins six à huit marsouins dans la zone ciblée par ces études, soit une zone 12 % plus petite que la ZTZ.
Le marsouin du golfe de Californie et le totoaba sont de taille très similaire, et les deux espèces partagent des habitats et une aire de répartition (le delta du fleuve Colorado et le haut golfe de Californie). Ces deux facteurs rendent le marsouin particulièrement vulnérable aux filets maillants utilisés pour pêcher le totoaba. L’effondrement rapide de la population de marsouins sur plusieurs décennies montre l’impact de la pêche illégale du totoaba, qui s’est intensifiée au début des années 2010 parallèlement à un déclin important de la taille de la population du marsouin, dont une diminution de presque 50 % de sa population sur une base annuelle entre 2015 et 2018. Convoité pour sa vessie natatoire, le totoaba fait l’objet de braconnage et de commerce illicite dans le marché chinois.
Le marsouin du golfe de Californie est vulnérable à la capture accessoire dans les filets maillants utilisés dans divers types de pêche, incluant les filets maillants utilisés pour la pêche illégale au totoaba.
L’article 55 de la LGVS prévoit que l’importation, l’exportation ou la réexportation de spécimens, de parties et de produits d’espèces sauvages figurant dans la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) doit être effectuée conformément à la CITES, à la LGVS et aux dispositions qui en découlent. L’article 56 du règlement d’application de la LGVS prévoit quant à lui que toute importation, exportation ou réexportation de matériel biologique provenant d’espèces inscrites à la CITES doit être effectuée conformément à la CITES. Le marsouin du golfe de Californie et le totoaba sont tous deux inscrits à l’annexe I de la CITES. Le commerce de spécimens sauvages sur les marchés internationaux est donc assujetti à une règlementation particulièrement stricte, avec possibilité de commerce international de spécimens issus de l’élevage en captivité auprès d’établissements accrédités par la CITES.
Le totoaba a également fait l’objet de protection. L’ordonnance interdisant la pêche au totoaba de 1975 a été promulguée cette même année. De plus, l’ordonnance de 2020 sur les filets maillants interdit de manière permanente tous les filets maillants dans une zone circonscrite du haut golfe de Californie et comprenant l’ARM ainsi que la ZTZ.
D’après les informations recueillies par le Secrétariat de la CCE auprès de nombreuses sources, les restrictions de pêche et les mesures de protection prises dans la ZTZ ont eu un effet très positif, éliminant efficacement la pêche illégale dans la ZTZ. Cependant, toujours selon des informations obtenues de multiples sources par le Secrétariat de la CCE, les activités de pêche illégale, y compris l’utilisation de filets maillants dans le haut golfe de Californie, se poursuivent en dehors de la ZTZ en dépit des restrictions établies.
Le Mexique a indiqué qu’entre 2022 et septembre 2024, le nombre des patrouilles d’inspection maritime est passé de 166 à 278, tandis que celui des patrouilles terrestres est passé de 190 à 409. À cela s’ajoute une augmentation de 50 % du personnel affecté à ces patrouilles dans la ZTZ et l’ARM. De juillet 2023 au 30 septembre 2024, il y a eu 5 191 inspections de bateaux sur des sites autorisés pour des activités de pêche en vertu de l’ordonnance de 2020 sur les filets maillants, donnant lieu à 29 décisions administratives assorties de sanctions pour les infractions liées à la pêche.
Depuis 2023, le Secretaría de Marina (Semar, ministère de la Marine) effectue une surveillance radar de surface 24 heures sur 24, à l’aide de navires de patrouille océanique et avec l’appui du bateau de la Sea Shepherd Conservation Society (Société de protection des animaux marins), le Sea Horse, particulièrement à partir du secteur naval de San Felipe, en Basse-Californie. Dans le but de dissuader la pose de filets maillants dans la ZTZ et dans la zone d’extension adjacente, le Semar y a placé 409 dispositifs antifilets, soit des blocs de béton avec crochets en acier, pour intercepter les filets dans cette partie du haut golfe de Californie entre octobre 2022 et août 2024.
En 2024, avec l’appui des communautés de pêcheurs, la Comisión Nacional de Acuacultura y Pesca (Conapesca, Commission nationale de la pêche et de l’aquaculture) a mené un processus de recensement et de mise à jour des registres des pêcheurs actifs dans le haut golfe de Californie. La Conapesca, avec l’appui du Semar, a également mis en œuvre un processus pour un système de surveillance par satellite sur les petites embarcations de la région. Selon le Mexique, entre avril 2023 et septembre 2024, la Conapesca a reçu 233 demandes de permis de pêche, dont 121 ont donné lieu à des permis pour l’utilisation d’engins et de systèmes de pêche de rechange. Le Secrétariat de la CCE n’a pas été en mesure de confirmer si les pêcheurs utilisent réellement les engins de pêche de rechange autorisés.
Les facteurs socioenvironnementaux liés à la pêche illégale du totoaba à l’état sauvage et aux prises accessoires de marsouins du golfe de Californie dans le haut golfe de Californie sont complexes. Les vessies natatoires de totoaba font l’objet d’un trafic criminel organisé, et des organismes de pêche locaux demandent la révision de l’ordonnance de 2020 sur les filets maillants afin de réduire la zone d’exclusion des filets maillants et ainsi permettre ces filets en dehors de l’aire de concentration historique du marsouin. Ces organismes souhaitent également la mise en place d’initiatives visant à autoriser d’autres méthodes de pêche et la mariculture de plusieurs espèces. Les coopératives de pêcheurs insistent qu’il faudrait mener des études afin de connaître la situation actuelle du totoaba, ce qui permettrait d'évaluer les options pour une exploitation légale, réglementée et durable de cette espèce.
Conformément à l’article 24.28(7) de l’ACEUM, le Comité sur l’environnement examine le dossier factuel final à la lumière des objectifs du chapitre 24 et peut formuler des recommandations au Conseil de la CCE quant à la pertinence de mener des activités de coopération internationale relativement à l’affaire soulevée dans le dossier factuel.
On peut trouver l’intégralité du dossier factuel, y compris une mise en contexte de la communication, sur le site Web de la CCE, dans la page du registre des communications, sous SEM-21-002 (Marsouin du golfe de Californie). Conformément à l’article 24.28(8) de l’ACEUM, le Mexique peut fournir des mises à jour sur le dossier factuel final.

Le processus SEM de la CCE
Le processus de communications sur les questions d’application (« processus SEM », selon l’acronyme anglais) de la CCE facilite la participation du public et l’échange d’information entre les gouvernements et le public à propos de l’application efficace des lois de l’environnement en Amérique du Nord. Si vous avez des raisons de croire qu’une loi de l’environnement n’est pas appliquée de façon efficace par le Canada, le Mexique ou les États-Unis, le processus SEM pourrait répondre à vos préoccupations.
Depuis le 1er juillet 2020, ce processus est régi par les articles 24.27 et 24.28 du chapitre de l’ACEUM intitulé Environnement.
Si vous voulez en apprendre davantage au sujet du processus, cette vidéo de deux minutes vous le présente :