Montréal, le 12 avril 2011 — La 13e édition du rapport À l’heure des comptes, publiée aujourd’hui par la Commission de coopération environnementale (CCE), dresse le tableau le plus complet actuellement disponible de la pollution industrielle à l’échelle de l’Amérique du Nord; elle documente des rejets et transferts de 5,7 milliards de kilogrammes de polluants effectués par les établissements industriels qui sont tenus de soumettre des déclarations aux programmes nationaux de registre des rejets et des transferts de polluants (RRTP) du Canada, du Mexique et des États-Unis.
Le rapport de cette année comprend une analyse spéciale qui porte sur les rejets de plus de 228 millions de kilogrammes de polluants dans les eaux de surface déclarés dans les trois pays. À l’heure des comptes révèle que deux polluants, parmi les 256 substances rejetées dans les eaux de surface, représentaient à eux seuls 90 % du volume total des rejets : les composés de nitrate et l’ammoniac. Ces polluants sont associés à la présence accrue de proliférations d’algues nuisibles, voire toxiques qui créent des zones mortes aquatiques, c’est-à-dire des zones d’épuisement d’oxygène, qui affectent de plus en plus les plans d’eau dans les trois pays nord-américains.
Outre les rejets directs dans les eaux de surface, plus de 133 millions de kilogrammes d’une grande variété de polluants ont été transférés à l’égout ou à des installations d’épuration des eaux usées. Selon que les eaux usées sont soumises ou non à un traitement et selon le degré d’efficacité du traitement appliqué, ces polluants peuvent eux aussi, au bout du compte, être rejetés dans les eaux de surface.
L’information sur les rejets dans les eaux de surface révèle en outre qu’il y a d’importantes lacunes dans le suivi de la pollution industrielle en Amérique du Nord, attribuables à des exemptions accordées par les programmes nationaux de RRTP pour certains secteurs d’activité et certains polluants et à la présentation de déclarations incomplètes par certains établissements. Par exemple, les installations publiques d’épuration des eaux usées ont déclaré pas moins de 44 % des rejets totaux dans l’eau, mais les données provenaient presque exclusivement des installations canadiennes. Aux États-Unis, le secteur des stations d’épuration publiques n’est pas tenu de déclarer ses rejets au programme national; au Mexique, très peu d’établissements de ce secteur ont soumis des déclarations au programme national en 2006. De plus, les composés de nitrate et l’ammoniac, les principaux polluants rejetés par les installations d’épuration canadiennes et américaines, ne sont pas soumis à déclaration au Mexique.
« L’efficacité de la coopération régionale dans le domaine de l’environnement dépend de la disponibilité de données comparables et complètes », souligne Evan Lloyd, directeur exécutif de la Commission de coopération environnementale. « La CCE travaille à favoriser une collaboration continue entre nos trois pays afin d’améliorer la qualité de cette information. Le rapport À l’heure des comptes et les données et analyses trinationales que la CCE diffuse fournissent aux gouvernements, à l’industrie et aux citoyens un important outil qui leur permet de lutter contre la pollution et de protéger tant la santé des populations que la salubrité des écosystèmes. »
Deux études de cas, dans le rapport, analysent les rejets de polluants dans deux bassins hydrographiques binationaux, celui du fleuve Columbia (Canada–États-Unis) et celui du fleuve Rio Grande/Rio Bravo (Mexique–États-Unis), et mettent en évidence des rejets de polluants d’intérêt particulier, notamment des métaux toxiques comme le plomb, le chrome et le mercure (et leurs composés). Pour la première fois, en combinant la couche cartographique des bassins versants du continent mise au point par la CCE et les données intégrées des trois RRTP nord-américains, il devient possible de représenter géographiquement les sources déclarées de pollution qui ont des répercussions sur chacun de ces bassins hydrographiques transfrontaliers. Le rapport montre, par exemple, que les rejets de deux métaux toxiques, le mercure et le plomb, dans les bassins des fleuves Columbia et Rio Grande/Rio Bravo sont surtout imputables, respectivement, à des sources canadiennes et mexicaines.
Des différences dans les critères de déclaration engendrent des lacunes
Le tableau d’ensemble des rejets et transferts de polluants que dresse À l’heure des comptes montre que les principaux secteurs industriels déclarants en Amérique du Nord, en 2006, étaient l’extraction de minerais métalliques, les activités liées au secteur de l’extraction de pétrole et de gaz, les centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles, la fabrication de produits chimiques et la première transformation des métaux. Cependant, les critères de déclaration applicables aux secteurs d’activité et aux polluants varient d’un pays à l’autre, ce qui crée d’importantes lacunes dans le suivi de la pollution industrielle à l’échelle nord-américaine. Par exemple :
Les gouvernements accomplissent des progrès pour ce qui est de combler ces lacunes, notamment en supprimant des exemptions accordées à certains secteurs et en ajoutant des substances aux listes de polluants visés par les programmes nationaux de RRTP. Par exemple, l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) du Canada a récemment supprimé l’exemption applicable à l’élimination des résidus et déblais miniers. Compte tenu des données déclarées en 2006 par les mines de minerais métalliques américaines, cette mesure pourrait contribuer de façon importante à brosser un tableau plus clair des rejets du secteur des mines et de ses modes de traitement des polluants d’intérêt particulier. Les mines métallifères des États de l’Alaska, du Nevada, de l’Utah et de l’Arizona, par exemple, ont déclaré des rejets sur le sol — souvent, sous forme de piles de déchets ou dans des aires à découvert — de millions de kilogrammes de métaux lourds, notamment des composés de plomb et de mercure, substances qui sont toutes deux toxiques, biocumulatives et persistantes.
Consultez en ligne les données intégrées des trois RRTP nord-américains
Il est possible de faire des recherches dans la base de données utilisée pour l’établissement du rapport sur le site À l’heure des comptes en ligne de la CCE, qui est mis à jour annuellement et qui permet aux utilisateurs :
Les gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis ont établi la Commission de coopération environnementale (CCE) en 1994 en vertu de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement, à savoir l’accord parallèle à l’Accord de libre-échange nord-américain en matière d’environnement. Or, depuis 2020 et conformément au nouvel Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM), elle est désormais régie par l’Accord de coopération environnementale (ACE). La CCE rassemble un éventail d’intervenants issus du grand public, de peuples autochtones, des jeunes, d’organisations non gouvernementales, du milieu universitaire et du domaine des affaires en vue de trouver des solutions qui permettent de protéger l’environnement que partagent les trois pays nord-américains, mais tout en favorisant un développement économique durable au profit des générations actuelles et futures.
La CCE réalise ses activités grâce au soutien financier du gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère de l’Environnement et du Changement climatique, du gouvernement du Mexique, par l'entremise du Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturales (ministère de l'Environnement et des Ressources naturelles), et du gouvernement des États-Unis, par l'entremise de l'Environmental Protection Agency (Agence de protection de l'environnement).