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2 Analyse spéciale : les transferts hors site pour élimination en Amérique du Nord entre 2014 et 2018

2.4 Analyse des transferts hors site pour élimination, de 2014 à 2018

2.4.5 Transferts pour élimination aux États-Unis

Les transferts pour élimination déclarés par les établissements américains ont diminué d’environ 5 % au cours de la période, passant approximativement de 223 Mkg en 2014 à environ 211 Mkg en 2018 (tableau 13); ces données représentent plus de 200 secteurs industriels et environ 300 polluants chaque année. Comparativement au Canada et au Mexique, les États-Unis se démarquent quant au nombre d’établissements et de polluants inclus dans les données de leur RRTP, et ce, en raison de la base industrielle considérable de ce pays et du fait que le TRI vise plus de 700 substances.

La figure 20 montre qu’à eux seuls, dix secteurs industriels ont été à l’origine de près des deux tiers de tous les transferts pour élimination en 2018; trois d’entre eux — la sidérurgie, la production d’électricité et la gestion des déchets — représentaient 42 % du total cette année-là. Cette figure montre également que les transferts dans une décharge ou une structure de retenue en surface ont constitué la pratique prédominante d’élimination hors site dans ce pays.

Figure 20. Transferts pour élimination, par secteur, polluant et catégorie d’élimination aux États-Unis, en 2018

Les figures 21a et 21b illustrent la manière dont les transferts pour élimination ont évolué entre 2014 et 2018 aux États-Unis. Trois secteurs (la sidérurgie, la production d’électricité et la fabrication d’autres produits chimiques organiques de base) ont été les principaux moteurs de la réduction des transferts pour élimination durant la période, et les composés de zinc, de manganèse et de baryum étaient associés à cette réduction.

Figure 21a. Transferts pour élimination aux États-Unis : principaux secteurs, de 2014 à 2018

Figure 21b. Transferts pour élimination aux États-Unis : principaux polluants, de 2014 à 2018

Une comparaison des principaux secteurs aux États-Unis et au Canada révèle que les deux pays ont beaucoup de points communs si l’on envisage les facteurs suivants qui influent sur les données de leur RRTP respectif :

Si l’on exclut les secteurs susmentionnés, la sidérurgie et la gestion des déchets sont les principaux secteurs dans la catégorie des transferts pour élimination, autant aux États-Unis qu’au Canada. L’utilisation des données des RRTP ainsi que des autres renseignements disponibles sur les secteurs industriels communs à l’échelle du continent — sous l’angle des procédés, de la production de déchets nécessitant une gestion et des stratégies de réduction des déchets — peut éclairer le choix de politiques et de mesures destinées à mieux promouvoir et soutenir les efforts de prévention de la pollution, ainsi que la transition à une économie davantage axée sur la durabilité.

Entre 2014 et 2018, au total, 139 établissements du secteur de la sidérurgie (SCIAN 33111) ont déclaré des transferts pour élimination, principalement dans des décharges et des structures de retenue en surface, ou pour stabilisation ou traitement avant élimination. Le tableau 30 indique les cinq principaux établissements pour chacune de ces catégories d’élimination.

Tableau 30. Transferts dans une décharge ou une structure de retenue en surface, ou pour stabilisation ou traitement avant élimination, par les principaux établissements du secteur américain de la sidérurgie (SCIAN 33111), de 2014 à 2018

À l’instar du même secteur au Canada, les principales substances déclarées par les établissements américains étaient les composés de zinc et de manganèse, suivis des composés de plomb, de cuivre et de chrome. Cependant, contrairement aux établissements canadiens, les établissements américains ont transféré pour recyclage les plus importantes proportions (plus de 80 % chaque année) de leurs composés de zinc, c’est-à-dire la substance qui a fait l’objet des plus importantes quantités déclarées dans le secteur (tableau 31). Comme cela a été mentionné dans la description des données canadiennes pour ce secteur, il serait utile de comprendre les raisons des différences entre les méthodes de gestion des déchets utilisées dans un secteur qui est commun à l’échelle du continent (p. ex. la disponibilité locale d’infrastructures et la réglementation).

Tableau 31. Élimination (sur place et hors site) et recyclage de composés de zinc par les secteurs canadien et américain de la sidérurgie (SCIAN 33111), de 2014 à 2018

Nota : Les différences entre les critères de déclaration adoptés par les trois pays doivent être prises en considération lorsqu’on interprète les données des RRTP nord-américains.

Le secteur de la production d’électricité (SCIAN 22111) se classait au deuxième rang aux États-Unis quant aux transferts hors site pour élimination, lesquels étaient surtout destinés à des décharges ou à des structures de retenue sur place. Ces transferts ont diminué considérablement (de près de 25 %) durant la période, ce qui reflète une réduction progressive des rejets et transferts totaux de ce secteur. Cette baisse témoigne également d’un déclin du nombre de centrales déclarantes, qui est passé de 540 en 2014 à 461 en 2018. Le volume 14 d’À l’heure des comptes expliquait que bon nombre de centrales électriques alimentées au charbon avaient dû effectuer une transition à des sources de combustible plus propres ou cesser leur activité, à la suite de l’adoption par les États-Unis, au cours de la dernière décennie, de normes d’émission plus rigoureuses concernant le mercure et d’autres polluants atmosphériques dangereux[64].

Les polluants déclarés par ces établissements, dont les composés de baryum, de zinc, de manganèse, de vanadium, de cuivre et de chrome, sont présents dans les cendres de combustion du charbon. Le recours à des technologies antipollution prévient les émissions atmosphériques d’importantes proportions de ces polluants, mais il reste que les cendres doivent être éliminées d’une quelconque manière.

Le tableau 32 indique les dix principales centrales électriques qui, ensemble, ont été à l’origine d’environ 70 % de tous les transferts dans des décharges ou des structures de retenue en surface entre 2014 et 2018 (un établissement, la centrale de San Juan, dans l’État du Nouveau-Mexique, a également expédié des proportions notables de ses déchets pour stockage avant élimination). Nonobstant ces transferts hors site, la plupart des centrales électriques aux États-Unis éliminent leurs déchets sur place dans des décharges ou des structures de retenue en surface.

Tableau 32. Transferts sur place dans une décharge ou une structure de retenue par les principaux établissements du secteur américain de la production d’électricité (SCIAN 22111), de 2014 à 2018

Certaines centrales électriques ont également déclaré des transferts dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) » durant la période; ces transferts, conformément à la tendance générale dans le secteur, ont diminué d’un peu plus de 12 Mkg en 2014 à environ 6 Mkg en 2018 (tableau 33). Cette baisse peut être attribuable à un moindre nombre d’établissements déclarants au total (comme cela est mentionné plus haut), ainsi qu’à certains établissements en particulier, dont la centrale électrique de Duke Energy–Asheville, en Caroline du Nord. Cette centrale a déclaré un peu plus de 1 Mkg de transferts dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) » en 2014; cependant, les années suivantes, elle a transféré la majeure partie de ses composés de baryum et de vanadium et de ses autres composés métalliques de rebut dans des décharges ou des structures de retenue en surface[65].

Tableau 33. Transferts dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) » par les principaux établissements du secteur américain de la production d’électricité (SCIAN 22111), de 2014 à 2018

Les producteurs d’électricité se sont également classés au premier rang quant aux transferts pour épandage durant la période (ils ont principalement déclaré des composés métalliques, notamment, de baryum, de manganèse, de vanadium et de zinc). Les quantités déclarées par ce secteur, de concert avec celles du secteur de la fabrication de produits laitiers (SCIAN 31151) — constituées à 99 % d’acide nitrique et de composés de nitrate — ont représenté approximativement le tiers de tous les transferts pour épandage aux États‑Unis (tableau 34).

Tableau 34. Transferts pour épandage (traitement sur le sol) par les principaux secteurs américains, de 2014 à 2018

Parmi les plus de 600 établissements du secteur de la fabrication d’autres produits chimiques organiques de base (SCIAN 32519) qui ont transmis des déclarations au cours de la période, cinq d’entre eux ont effectué des transferts de 7,6 Mkg pour injection souterraine en 2014, soit environ 96 % de tous les transferts de ce type attribuables à ce secteur cette année-là. Les transferts dans cette catégorie ont décliné de plus de 82 % au cours de la période (à environ 1,3 Mkg en 2018) (tableau 35).

Au nombre des principaux polluants transférés chaque année pour injection souterraine par ce secteur, on compte les suivants : le méthanol, l’ammoniac, le méthacrylate de méthyle, le cyclohexane, l’acrylamide et le formaldéhyde, suivis d’une quarantaine d’autres substances. La réduction considérable des volumes au cours de la période est imputable à un établissement, KMTEX LLC, situé au Texas — par suite d’une surestimation de la quantité de méthanol pour les années 2014 et 2015 (d’après une recherche dans les données du TRI).

Tableau 35. Transferts pour injection souterraine par les principaux établissements du secteur américain de la fabrication d’autres produits chimiques organiques de base (SCIAN 32519), de 2014 à 2018

Au cours de la période, le principal secteur américain dans la catégorie des transferts pour stabilisation ou traitement avant élimination a été celui de la fabrication de produits laitiers (sauf congelés) (SCIAN 31151), dont les transferts sont passés d’environ 725 000 kg en 2014 à plus de 3,6 Mkg en 2018, surtout à cause de quelques établissements (tableau 36). L’acide nitrique et les composés de nitrate, utilisés comme agents de conservation ou agents antibactériens pour le fromage, ont fait l’objet de plus de 95 % de ces transferts et ont représenté la principale source de l’augmentation au cours de la période. D’autres polluants, dont le nitrite de sodium, l’ammoniac, l’acide peracétique, les composés de zinc, le méthanol, le toluène et certains éthers glycoliques, ont également été déclarés par ce secteur.

Tableau 36. Transferts pour stabilisation ou traitement par les principaux établissements du secteur de la fabrication de produits laitiers (sauf congelés) (SCIAN 31151), de 2014 à 2018

Le secteur qui s’est classé au troisième rang quant aux transferts pour élimination aux États-Unis était celui de la gestion des déchets (SCIAN 562); il a particulièrement effectué des transferts dans des décharges ou des structures de retenue en surface. Au total, approximativement 65 établissements de ce secteur ont transmis des déclarations chaque année; les quantités ont régulièrement augmenté, passant d’environ 14,7 Mkg en 2014 à 19,6 Mkg en 2018, exception faite de l’année 2015 (tableau 37).

Tableau 37. Transferts dans une décharge ou une structure de retenue en surface par les principaux établissements du secteur américain de la gestion des déchets (SCIAN 562), de 2014 à 2018

Ce tableau indique que dix établissements ont effectué plus de 80 % des transferts totaux chaque année, et que la forte augmentation en 2015 était attribuable à un établissement, Clean Earth of North Jersey, Inc., qui a déclaré cette année-là des transferts de 18,3 Mkg à la suite d’un projet d’assainissement concernant plusieurs installations pétrochimiques. Cet établissement a déclaré environ 5 Mkg de chacun des composés suivants : le cuivre, le baryum et le manganèse, ainsi que des proportions plus faibles de composés de plomb, de nickel et de chrome.

Les autres polluants transférés par ce secteur dans des décharges ou des structures de retenue en surface étaient notamment les suivants : des composés de zinc, de l’oxyde d’aluminium, de l’acide nitrique et des composés de nitrate, certains éthers glycoliques, des diisocyanates et de l’éthylèneglycol. Bien que les transferts se soient accrus au cours de la période, le nombre de polluants transférés a diminué (passant de 229 en 2014 à un peu plus de 160 lors de chacune des années suivantes). Dans bien des cas, ces polluants ont été soit éliminés sur place dans des décharges ou des structures de retenue en surface, soit transférés pour traitement[66].

Comme cela a déjà été mentionné plus haut, le secteur de la gestion des déchets prend souvent en charge des substances dangereuses qui nécessitent une quelconque forme de traitement ou de stabilisation avant leur élimination. Les établissements de ce secteur ne disposent pas tous des procédés et technologies spécialisés qui leur permettraient de manipuler, de traiter et d’éliminer la grande variété de déchets qu’ils reçoivent en tant que prestataires de services à de nombreux secteurs industriels différents — notamment des raffineries de pétrole, des établissements d’extraction de pétrole et de gaz, des mines, des centrales électriques, des installations d’épuration d’eaux usées et un large éventail de secteurs manufacturiers. Par conséquent, il est courant que les établissements de gestion des déchets servent d’intermédiaires, et transfèrent donc une partie des déchets qu’ils reçoivent à d’autres établissements aux fins de traitement ou d’élimination. Les transferts à une entreprise tierce, par exemple un fournisseur de services de gestion de déchets, peuvent rendre difficile le suivi des polluants jusqu’à leur élimination définitive après qu’ils ont quitté l’établissement d’origine. Ce problème est illustré dans l’exemple qui suit.

Déchets métalliques provenant de la fabrication de batteries : Les métaux utilisés pour fabriquer des batteries, notamment le cuivre, le plomb et le cadmium, peuvent être coûteux; ainsi, souvent, les fabricants de batteries les recyclent et les réutilisent. Cela peut supposer l’envoi de déchets de plomb et d’autres composés métalliques à une installation de gestion des déchets, qui pourrait à son tour les transférer, en totalité ou en partie, à une fonderie de plomb de seconde fusion pour qu’ils soient raffinés. Cependant, toute portion des déchets métalliques qui est contaminée (p. ex. les déchets de plomb contaminés par du cadmium) est inutilisable dans de nouvelles batteries et peut être transférée à un établissement différent pour stabilisation ou réemploi (p. ex. une réutilisation dans du ciment ou des matériaux de construction). Une partie ou la totalité de la poussière de four, chargée de métaux, pourrait aussi être envoyée à ce deuxième établissement, ou encore être transférée dans une décharge pour élimination[67].

En fonction de diverses raisons, les déchets traités selon l’une ou l’autre des méthodes susmentionnées pourraient ne pas être déclarés à un programme de RRTP. Ils pourraient par exemple avoir été mélangés à d’autres déchets compatibles pour que leurs effets négatifs s’en trouvent réduits et qu’ils n’atteignent plus les seuils de déclaration. Ces facteurs contribuent à la difficulté de suivre le devenir des polluants une fois qu’ils ont été transférés hors du site de l’installation source. Des exemples de données sur les transferts transfrontaliers présentés dans la section suivante illustrent également ce problème.

[64] Voir : À l’heure des comptes, volume 14.

[65] En 2017, cette entreprise a construit une unité au gaz naturel à grande efficacité pour remplacer son unité alimentée au charbon, ce qui a entraîné une réduction considérable de ses émissions. Voir : Duke Energy, “Ashville Plant”.

[66] Recherche dans la base de données À l’heure des comptes en ligne.

[67] Voir : Aevitas, “Battery Recycling”.

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