Pourquoi et comment mesurer la PGA

Dans les pages suivantes, vous trouverez des conseils pour aider les différents secteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire à mesurer la perte et le gaspillage d’aliments. Chaque section fournit une brève description du secteur et des conseils sur la façon de sélectionner la méthode de mesure la plus appropriée pour le secteur, de même qu’une étude de cas indiquant comment une entreprise a mesuré (ou pourrait mesurer) la PGA.

Les secteurs sont les suivants :

Production primaire

Transformation et fabrication

Distribution

Vente au détail

Service alimentaire/institutions

Ménages

Ensemble de la chaîne d’approvisionnement

La mesure de la PGA ne devrait pas se limiter à mesurer la quantité d’aliments qui sont retirés de la chaîne d’approvisionnement. Cette seule mesure ne permet pas de connaître les impacts et les avantages de la réduction et de la prévention de la PGA. La prévention de la PGA apporte d’importants avantages économiques, environnementaux et sociaux qu’il est également possible de déterminer.

Quels impacts devrais-je déterminer?

Les indicateurs clés de performance peuvent démontrer l’efficacité d’une organisation en ce qui a trait à l’atteinte d’un objectif ou à l’évaluation d’activités. L’utilisation d’un ensemble de paramètres bien définis peut l’aider à déterminer si elle atteint ses objectifs de prévention de la PGA, de redistribution des aliments ou de réacheminement. Ces paramètres peuvent également servir à évaluer le progrès et à adapter les mesures à l’avenir. Les impacts possibles peuvent être classés dans trois grandes catégories :

Les organisations peuvent suivre leurs progrès (et communiquer leurs bons résultats) plus efficacement si elles utilisent une diversité de paramètres appropriés et tiennent compte des résultats dans les trois catégories.

Impacts environnementaux

La production alimentaire et tous les procédés connexes (transformation, fabrication, conditionnement, distribution, réfrigération, cuisson) nécessitent des ressources, comme des terres arables et des pâturages, de l’eau douce, des combustibles et des intrants chimiques (engrais, herbicides et pesticides, par exemple) Ils ont en outre des impacts environnementaux, comme la pollution de l’air et de l’eau, l’érosion des sols, l’émission de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité.

En fonction de la façon dont elle est gérée, la PGA peut avoir d’autres impacts environnementaux qui auraient été évités si les aliments avaient été consommés. Certains de ces impacts sont attribuables au transport des déchets, à l’utilisation de terres pour l’enfouissement et aux émissions de méthane des dépotoirs. Bien qu’ils soient moins importants que les impacts attribuables à la production, ils peuvent néanmoins être considérables.

Voici des exemples d’impacts environnementaux qui pourraient être mesurés, parallèlement à la collecte de données sur la PGA : émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, utilisation des terres, utilisation d’engrais, consommation énergétique, perte de biodiversité.

Émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont l’impact environnemental associé à la PGA qui est suivi le plus attentivement. Pour la plupart des produits alimentaires, il est possible de déterminer les émissions de GES en effectuant une analyse du cycle de vie (ACV), qui brosse un portrait détaillé des émissions de GES attribuables à la production d’un aliment, de sa production jusqu’au moment où il est perdu ou gaspillé. Chaque produit alimentaire est associé à un ensemble unique de facteurs d’émission de GES, qui dépend des terres et des ressources nécessaires à sa production. Les facteurs d’impact des GES augmentent lorsque la PGA est générée à des étapes plus avancées de la chaîne d’approvisionnement.

Une grande partie des données d’ACV est accessible au public. Les sources ci-après fournissent des facteurs d’impact des émissions de GES :

Le Waste Reduction Model (WARM, modèle de réduction du gaspillage) de l’EPA peut faciliter l’évaluation des émissions de GES associées à la PGA. Il fournit une estimation de ces émissions pour des méthodes de référence de gestion des déchets et pour des méthodes de substitution, notamment la réduction à la source, le recyclage, la digestion anaérobie, la combustion, le compostage et l’enfouissement.

Consommation d’eau

On consomme de l’eau à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, que ce soit pour arroser les cultures, pour les procédés de fabrication ou pour rejeter à l’égout les déchets alimentaires. On peut inclure trois types d’eau lors de l’évaluation des impacts environnementaux (Hoekstra et coll., 2011) :

La plupart des estimations d’impacts environnementaux n’incluent que l’eau bleue et l’eau grise, bien que l’eau verte soit pertinente dans les régions arides.

La plus vaste base de données sur les impacts de la consommation d’eau est celle du Water Footprint Network; l’outil d’évaluation de l’empreinte hydrique est particulièrement utile (Water Footprint Network, 2018). Lorsque vous utilisez l’outil, sélectionnez « Production Asssessment », puis la denrée voulue et le pays d’origine pour obtenir les données. Le Water Footprint Network fournit également les facteurs d’impact sur l’eau bleue, grise et verte, par pays, pour les produits cultivés et les produits animaux.

Les émissions de GES et la consommation d’eau sont les impacts environnementaux que l’on mesure le plus couramment relativement à la PGA; cependant, plusieurs autres impacts sont pertinents et, parce qu’ils sont moins souvent quantifiés, il existe moins de ressources pour les mesurer.

Utilisation des terres

La mesure de l’impact sur l’utilisation des terres est plus complexe que celle sur les émissions de GES ou l’eau, entre autres à cause de cultures multiples (plusieurs cultures récoltées sur une même terre durant une année) et de cultures ayant des cycles pluriannuels, comme la canne à sucre. Il n’existe pas pour l’instant d’outil simple et facilement accessible pour calculer l’utilisation des terres associée à la PGA, mais le document Food Wastage Footprint (empreinte du gaspillage alimentaire) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fournit des estimations mondiales des terres utilisées pour produire des aliments qui sont perdus ou gaspillés, ainsi que des données sur les impacts relatifs de divers types de denrées (FAO, 2015).

Utilisation d’engrais

À l’étape de la production, on peut estimer grosso modo l’utilisation d’engrais associée à la perte ou au gaspillage d’aliments en multipliant le pourcentage de PGA par la quantité totale d’engrais utilisée. Il n’existe cependant pas de méthode simple pour les autres étapes de la chaîne d’approvisionnement, où on ne connaît pas forcément les quantités totales d’engrais utilisées. Une étude a évalué les pertes liées à l’utilisation d’engrais à l’échelle nationale à partir d’informations contenues dans la base de données de la FAO, FAOSTAT (Kummu et coll., 2012, FAO, s.d.).

Consommation énergétique

La plupart des estimations des impacts environnementaux ne précisent pas la part que la consommation énergétique représente dans les estimations d’émissions de GES, mais une étude américaine a révélé que l’énergie contenue dans les aliments gaspillés représentait environ 2 % de la consommation énergétique annuelle du pays (Cuellar et Webber, 2010). La Food Loss and Waste Toolkit de la Provision Coalition, fondée sur l’approche d’Enviro–Stewards, pourrait aider les entreprises à évaluer leur consommation énergétique en lien avec la PGA.

Perte de biodiversité

On s’intéresse depuis peu à la perte de biodiversité associée à la PGA. La production alimentaire est le principal facteur de la perte de biodiversité, attribuable à la conversion d’habitats naturels en terres agricoles, à l’intensification de l’agriculture et de l’élevage, à la pollution et, dans le cas des poissons, à la surpêche (Rockstrom et coll., 2009). Une partie de cette perte de biodiversité est attribuable à la production d’aliments qui sont gaspillés. Au moment de rédiger le présent guide, il n’existait aucune ressource simple pour faciliter l’évaluation du potentiel de perte de biodiversité. Des outils pourraient cependant être créés ultérieurement.

Impacts financiers

La plupart des impacts financiers de la PGA sont associés à l’élimination, mais le coût total de la PGA comprend toutes les ressources gaspillées, en plus de la nourriture. Si on ne s’intéresse qu’aux coûts de l’élimination, on passe à côté de la grande majorité des possibilités et avantages financiers associés à la prévention de la PGA. De façon générale, la quantification des coûts de la PGA pourrait inclure une évaluation des éléments suivants :

Les impacts financiers qui peuvent être déterminés, en plus des données sur la PGA, comprennent notamment les suivants :

Deux outils de mesure directe peuvent déterminer le poids des aliments perdus et gaspillés et le traduire en valeur monétaire : les balances intelligentes du secteur du service alimentaire (comme les outils LeanPath et Winnow) et la Food Loss and Waste Toolkit de la Provision Coalition, destinée aux fabricants.

Impacts sociaux

Les impacts sociaux s’entendent des effets de la PGA sur les humains. La valeur des aliments donnés, le contenu nutritionnel et les repas gaspillés sont des exemples d’impacts sociaux qui peuvent être chiffrés.

Montant des dons

Une entreprise pourrait vouloir connaître le montant auquel correspondent les aliments qu’elle donne à des banques alimentaires et à d’autres organismes à but non lucratif. Il existe habituellement des registres de ces dons; il suffit de les colliger. Si une entreprise ne tient pas de registre, il se peut que les banques alimentaires consignent les quantités d’aliments reçus de chaque entreprise.

Contenu nutritionnel des aliments perdus et gaspillés

On peut évaluer le contenu nutritionnel des aliments perdus et gaspillés de plusieurs façons : calories, macronutriments (glucides, gras et protéines), fibres et autres micronutriments. La base de données la plus complète des types d’aliments et de leurs éléments nutritifs est la National Nutrient Database for Standard Reference (base de données nationale sur les éléments nutritifs) de l’USDA, qui fournit de l’information sur 8 100 produits alimentaires et 146 composantes, dont les vitamines, les minéraux et les acides aminés (USDA, s.d.). En triant la PGA selon le type d’aliment, puis en multipliant la quantité d’aliments perdus et gaspillés par la quantité d’éléments nutritifs indiquée dans la base de données, il est possible d’estimer le contenu nutritionnel de ces aliments non consommés.

Repas gaspillés

En exprimant la PGA en fonction des repas gaspillés, on peut montrer aux non-spécialistes les impacts de la PGA. Les repas correspondent généralement à un nombre de calories, habituellement entre 600 et 700[1]. Pour déterminer le nombre de repas gaspillés, il faut d’abord établir la teneur calorique des aliments gaspillés en utilisant la National Nutrient Database for Standard Reference, puis diviser le nombre obtenu par le nombre de calories que fournit un repas type. On obtiendra ainsi le nombre total de repas; il faut cependant préciser qu’il ne s’agit pas forcément de repas sains ou complets. Les calories ne sont qu’une mesure de la nutrition et, selon le type d’aliments perdus et gaspillés, les repas ne constituent pas nécessairement la meilleure mesure.

[1] Le nombre de calories à consommer chaque jour peut varier (puisque l’apport approprié dépend de la dépense d’énergie), mais plusieurs organisations du secteur de la santé estiment raisonnable un apport de 2 000 calories par jour pour un adulte. Par conséquent, si on suppose qu’un adulte mange trois repas par jour, chaque repas correspondrait à 600–700 calories.

Il est difficile de réduire la PGA si on n’en comprend pas les causes. Par exemple, après une analyse de la composition des déchets, un restaurant pourrait constater qu’il jette une grande quantité de tomates chaque semaine; par contre, les données recueillies ne permettent pas de savoir pourquoi ces tomates sont jetées. Le présent module décrit les façons de faire le suivi des causes de la PGA lorsque la méthode de quantification ne fournit pas clairement l’information.

Définir les causes et les facteurs contributifs

La détermination de la cause de la PGA se fait en deux étapes : il faut d’abord trouver la raison immédiate qui explique pourquoi un aliment est perdu ou gaspillé, puis le facteur sous-jacent qui a mené à la perte ou au gaspillage. La norme sur la PGA utilise les notions de « cause » et « facteur contributif ». Une cause est la raison immédiate de la PGA, tandis qu’un facteur contributif est un facteur sous-jacent qui a contribué à cette cause (FLW Protocol, 2016a). Les tableaux 4 et 5 fournissent une liste de causes et facteurs contributifs possibles à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Tableau 4. Certaines causes de la PGA, selon l’étape de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

Production primaire Transformation et fabrication Distribution et vente en gros Vente au détail Service alimentaire/ institutions Ménages
Produit répandu/renversé

Dommages esthétiques ou physiques

Dommages causés par des ravageurs ou des animaux

Produit non récolté

Incapacité de vendre en raison de la quantité ou du format

Incapacité à atteindre le marché

Aliment répandu/renversé

Parage durant la transformation

Produit refusé sur le marché

Dommages esthétiques ou physiques

Dégradation

Date limite de vente dépassée

Produit refusé sur le marché

Incapacité à atteindre le marché

Rappel de produit

Aliment préparé de façon inadéquate

Aliment cuit, mais pas consommé

Dommages esthétiques

Dégradation

Date limite de vente dépassée

Rappel de produit

Aliment préparé de façon inadéquate

Aliment cuit, mais pas consommé

Dommages esthétiques

Dégradation

Rappel de produit

Aliment préparé de façon inadéquate

Aliment cuit, mais pas consommé

Dommages esthétiques

Dégradation

Date limite de vente ou de consommation dépassée

Source : FLW Protocol, 2016a; CCE, 2017.

Tableau 5. Certains facteurs contributifs de la PGA, selon l’étape de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

Production primaire Transformation et fabrication Distribution et vente en gros Vente au détail Service alimentaire/ institutions Ménages
Récolte hâtive ou retardée

Mauvaise technique de récolte/ équipement inadéquat

Manque d’accès au marché ou aux installations de transformation
Accès limité au matériel agricole

Volatilité des prix

Spécifications de produit strictes

Surproduction

Stockage inadéquat

Équipement ou procédés dépassés ou inefficaces

Spécifications de produits strictes

Erreur humaine ou mécanique entraînant des imperfections

Trop grande centralisation des processus de distribution alimentaire

Gestion inefficace de la chaîne du froid

Spécifications de produit strictes

Infrastructure de transport inadéquate

Prévision inexacte de la demande

Emballage ou conditions de stockage inefficaces

Réapprovi-sionnement régulier pour donner une impression d’abondance

Formats trop gros

Prévision inexacte de la demande

Trop grande offre de produits

Absence de programme de don de nourriture

Réapprovi-sionnement régulier du buffet ou de la cafétéria pour donner une impression d’abondance

Portions trop grosses

Prévision inexacte de la demande

Trop grande offre de produits

Absence de programme de don de nourriture

Formation inadéquate des responsables de la préparation des aliments

 

Achats excessifs

Mauvaise planification avant les achats

Manque de connaissances en cuisine

Confusion au sujet des étiquettes de date

Stockage inadéquat ou inapproprié des aliments

Désir de variété, donc les restes ne sont pas consommés

Aliments trop cuits

Source : FAO, 2014; FLW Protocol, 2016a; CCE, 2017.

Si un restaurant jette une grande quantité de tomates, la cause immédiate est peut-être que les tomates ont pourri parce qu’on a attendu trop longtemps avant de les utiliser. Le facteur sous-jacent pourrait être le fait que le restaurant a mal planifié la quantité de tomates qu’il lui fallait chaque semaine. Peut-être qu’un plat à base de tomates qui était populaire se vend moins bien, mais le restaurant continue néanmoins à commander ses tomates en fonction de la demande passée.

Dans cet exemple, le simple fait de savoir que les tomates sont jetées en grande quantité ne permet pas de déterminer la bonne façon de réduire le gaspillage. Par contre, après avoir trouvé la cause de la perte de tomates (p. ex., dégradation faute d’être utilisées) et un facteur sous-jacent (p. ex., mauvaise prévision de la demande), le restaurant peut agir pour réduire la PGA (p. ex., réduire la quantité de tomates commandées chaque semaine ou retirer du menu le plat qui n’est pas commandé).

Dans les cas plus complexes, les causes et les facteurs contributifs ne sont pas toujours évidents. Il pourrait alors être bon de rencontrer un consultant spécialisé en réduction du gaspillage. De nombreuses sociétés effectuent des vérifications détaillées de la durabilité afin de déterminer les causes sous-jacentes des inefficacités et des pratiques non viables.

Intégration des causes aux méthodes de quantification de la PGA

L’efficacité des méthodes décrites dans ce guide pour ce qui est d’établir les causes et les facteurs contributifs de la PGA varie. Le tableau 6 présente une liste de méthodes et indique si elles permettent d’établir les causes et la meilleure façon de le faire.

Tableau 6. Suivi des causes, par méthode

Méthode Permet-elle d’établir les causes? Comment établir les causes selon cette méthode
Pesée directe Oui Bien que la pesée directe ne fournisse que des données numériques, on peut demander au personnel de noter les causes au moment de peser les aliments perdus ou gaspillés. On disposera ainsi de données supplémentaires sur les raisons qui ont mené à la PGA.
Analyse de la composition des déchets Non Ce type d’analyse ne fournit pas d’information directe sur les causes de la PGA, puisque les aliments sont analysés après avoir été jetés. C’est pourquoi l’analyse de la composition des déchets est souvent faite parallèlement à un sondage ou à la tenue d’un journal des processus, afin d’obtenir des données qualitatives sur les causes et les facteurs contributifs.
Registres Habituellement pas Les registres étant tenus pour des raisons autres que la quantification de la PGA, ils sont moins susceptibles de fournir de l’information sur les causes et les facteurs contributifs. Certains registres contiennent cependant des renseignements qui peuvent faciliter la détermination des causes (p. ex., un registre de réparation d’une pièce d’équipement). Il faut généralement tenir un journal ou mener un sondage pour obtenir des données qualitatives.
Journaux Oui Un journal peut servir à déterminer les causes et facteurs contributifs de la PGA. On peut demander à la personne responsable de fournir de l’information sur les raisons de la PGA qui sont consignées.
Entrevues/sondages Oui Un sondage peut servir à déterminer les causes et facteurs contributifs de la PGA. On peut demander aux participants de fournir de l’information sur les raisons de la PGA dans leur secteur.
Données indirectes/bilan de masse Non L’inférence par calcul étant une opération mathématique fondée sur les flux de matières et des données indirectes, elle ne fournira pas d’information sur les causes et facteurs contributifs de la PGA. Elle ne fournit qu’une estimation quantitative de la PGA visant un secteur ou un type de denrée. Il faudra faire une analyse du secteur ou de la denrée en question pour comprendre les causes de la PGA.

Source : Auteurs.

Comment déterminer les causes et les facteurs contributifs

Pour déterminer les causes et les facteurs contributifs, on peut simplement recueillir de l’information sur les causes au moment de consigner les estimations numériques de la PGA dans un registre. Dans la plupart des cas, seule la cause immédiate sera initialement évidente; il faudra pousser la recherche pour établir le facteur contributif. Le tableau 7 fournit un exemple de façons de déterminer les causes et les facteurs contributifs de concert avec des estimations numériques de la PGA.

Tableau 7. Détermination des causes et des facteurs contributifs

Type d’aliment Quantité Étape de la chaîne d’approvisionnement Cause Facteur contributif
Blé 1 000 kg Production primaire Destruction par des ravageurs Stockage inadéquat à la ferme
Pommes 10 kg Transformation Parures Équipement inefficace qui pare plus que nécessaire
Fraises 40 kg Distribution et vente en gros Dégradation/ dommages durant le transport Mauvaise gestion de la chaîne du froid/ conditionnement inadéquat/trop grande centralisation des processus de distribution
Bœuf 100 kg Commerce de détail Dégradation Réfrigération inadéquate
Poisson 34 kg Service alimentaire/institution Dégradation Prévision inexacte de la demande
Lait 500 g Ménages Date limite de vente dépassée (mais le produit n’est pas dégradé) Confusion quant à la signification des étiquettes de date

Nota : Les données de ce tableau sont fournies à titre indicatif.
Source : Auteurs.

Lorsque vous avez établi qu’il vaut la peine de mesurer la PGA, déterminez ce qu’est la PGA dans votre organisation et comment vous allez communiquer cette information, tant à l’interne qu’à l’extérieur de l’organisation. La communication publique de données sur la PGA présente de nombreux avantages : elle sensibilise les gens au problème, elle permet un échange d’information entre entreprises, elle fournit de l’information aux décideurs et elle favorise le suivi de la PGA dans le temps.

Les communications publiques devraient respecter la Food Loss and Waste Accounting and Reporting Standard (norme de comptabilisation et de communication de la perte et du gaspillage d’aliments), ou norme sur la PGA. Il s’agit d’une « norme internationale qui définit les exigences et donne des conseils en matière de quantification et de déclaration du poids des aliments et/ou des parties non comestibles extraits de la chaîne d’approvisionnement alimentaire » (FLW Protocol, 2016a). La norme clarifie les définitions et montre les destinations possibles des aliments qui sont retirés de la chaîne d’approvisionnement alimentaire humaine.

Suivre les progrès de la prévention de la PGA

La norme sur la PGA ne donne pas de conseils particuliers quant au suivi des progrès en matière de prévention, mais on peut faire ce suivi en fixant une année de référence comme point de départ, puis en évaluant les activités de prévention par rapport à cette année. Si on observe une augmentation ou une diminution de la production totale, un mesurage intensif (tonnes par unité de production) pourra mieux quantifier la PGA évitée. Par exemple, une entreprise peut fixer 2016 comme année de référence, année où elle a comptabilisé 15 000 tonnes de PGA. L’année suivante, la PGA pourrait totaliser 13 500 tonnes, ce qui signifierait qu’elle a évité 1 500 tonnes de PGA.

Le tableau 2 présente un exemple hypothétique d’une façon de faire le suivi de la prévention parallèlement au suivi des quantités de PGA.

Tableau 2. Suivi de la réduction de la PGA grâce à la mesure des déchets alimentaires envoyés à diverses destinations au fil du temps (tonnes/année)

  2016 2017 2018
Production totale 100 000 tonnes 100 000 tonnes 100 000 tonnes
Digestion anaérobie 3 000 tonnes 4 000 tonnes 4 000 tonnes
Enfouissement 8 000 tonnes 6 000 tonnes 5 500 tonnes
Élimination à l’égout 4 000 tonnes 3 500 tonnes 3 500 tonnes
PGA totale 15 000 tonnes 13 500 tonnes 13 000 tonnes
Tonnes de déchets alimentaires par unité de production (pourcentage) 15 % 13,5 % 13 %
Réduction de la PGA (en pourcentage par rapport à 2016) 0 % -10 % -13 %

Source : Auteurs.

Déclaration des quantités de déchets alimentaires

Les déclarations conformes à la norme sur la PGA nécessitent l’établissement de la « portée » de votre PGA, comme l’illustre la figure 2. Cette portée comprend seulement les aliments qui ont été retirés de la chaîne d’approvisionnement alimentaire humaine, ce qui signifie que la nourriture donnée, redistribuée ou autrement conservée dans cette chaîne est exclue. Le suivi de la redistribution de nourriture peut aller dans le sens de vos objectifs et être effectué selon une méthode similaire à celle décrite dans la section « Suivre le progrès de la prévention de la PGA ».

Figure  2. Portée d’un inventaire de la PGA

La portée comporte quatre éléments : calendrier, type de matière, destination et limite.

Calendrier

Déterminer la période visée par la déclaration des résultats de l’inventaire. Ces résultats sont généralement communiqués annuellement.

Type de matière

Déterminer les matières incluses dans l’inventaire : nourriture seulement, parties non comestibles seulement ou les deux. Les parties non comestibles sont définies comme les parties d’un produit alimentaire qui ne sont pas destinées à la consommation, comme les os, les pelures ou les noyaux.

Destination

La destination correspond à l’endroit où sont envoyés les aliments qui sont retirés de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les dix catégories de destinations décrites dans la norme sur la PGA sont définies au tableau 3. Les destinations n’incluent pas la prévention de la PGA ou les aliments qui sont redistribués, dont le suivi peut être fait tel que décrit dans la section « Suivre les progrès de la prévention de la PGA ». La nourriture distribuée pour consommation humaine à l’extérieur du marché n’est pas considérée comme perdue ou gaspillée, puisqu’elle n’est pas envoyée à une destination.

Tableau 3. Définition des destinations des déchets alimentaires selon la norme sur la PGA

Destination Définition
Nourriture pour animaux Les matières sont retirées de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et réacheminées vers le secteur animal
Matériaux biologiques/transformation biochimique Conversion des matières en produits industriels
Codigestion/digestion anaérobie Décomposition des matières à l’aide de bactéries, en l’absence d’oxygène
Compostage/procédé aérobie Décomposition des matières à l’aide de bactéries, dans un environnement riche en oxygène
Combustion  contrôlée Effectuée dans une installation conçue expressément pour brûler des résidus dans des conditions contrôlées
Application sur les terres Épandage, vaporisation, injection ou ajout de matières organiques sur ou sous la surface de la terre pour enrichir le sol
Enfouissement Sur un terrain ou dans un site excavé conçu précisément pour recevoir des déchets
Non récoltés/retournés à la terre Les produits qui étaient prêts pour la récolte sont laissés dans les champs ou labourés dans le sol
Déchets/rejets/ordures Matières abandonnées sur la terre ou jetées à la mer
Élimination à l’égout Matières rejetées à l’égout, avec ou sans traitement préalable
Autre Matières envoyées ailleurs qu’aux dix destinations ci-dessus

Source : FLW Protocol, 2016a

La nourriture récupérée et envoyée à des organismes qui nourrissent les personnes défavorisées n’est habituellement pas considérée comme de la PGA et n’est par conséquent pas identifiée comme destination à la figure 2. Certaines organisations pourraient également exclure la nourriture pour animaux et la transformation en matériaux biologiques/biochimiques (où la matière est transformée en produits industriels) de leur définition de la PGA.

Bien que les définitions et la portée de la PGA puissent varier, il est néanmoins important de mesurer toutes les destinations finales possibles des aliments récupérés et des aliments perdus ou gaspillés, afin de justifier les activités menées pour réduire au minimum les inefficacités opérationnelles.

Limite

Cet élément comporte quatre composantes :

Importance de la portée

Il importe de communiquer la portée d’un inventaire, parce qu’il existe de nombreuses définitions du concept de « perte et gaspillage d’aliments ». Dans certains cas, les aliments sont inclus, mais pas les parties non comestibles, tandis que dans d’autres, seul un sous-ensemble des destinations possibles est pris en compte. En faisant connaître la portée d’un inventaire, une entreprise ou un gouvernement clarifie sa définition de la PGA et permet ainsi des comparaisons et un suivi plus exacts de la PGA dans le temps.

Autres ressources pour la déclaration

La norme sur la PGA propose un certain nombre de ressources. Le chapitre 6 explique comment établir la portée, tandis que le chapitre 13 donne d’autres conseils pour la déclaration. Vous pouvez également télécharger un modèle de formulaire de déclaration et un modèle personnalisable d’établissement de la portée.

La mesure et la réduction de la PGA nécessitent une importante adaptation pour nombre d’entreprises, d’institutions et d’autres organisations. Pour obtenir des réductions substantielles, il faut remettre en question les postulats clés appliqués au fonctionnement d’un système, et pour effectuer un changement majeur, il faut s’y préparer.

Les membres d’une organisation trouveront une foule de raisons de ne pas agir contre la PGA. Leurs préoccupations sont souvent justifiées et ne devraient pas être mises de côté. Elles entrent généralement dans les grandes catégories décrites ci-dessous.

« Nous ne gaspillons pas de nourriture. »

Il y a perte et gaspillage d’aliments chaque fois qu’on jette de la nourriture qui aurait autrement pu être vendue et consommée en toute sécurité. Des possibilités de prévention et de réduction de la PGA existent dans toutes les organisations et à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (de la production des aliments jusqu’à la consommation). Les causes de la PGA aux divers stades de la chaîne d’approvisionnement sont présentées au tableau 4 du présent guide.

Bien que certaines organisations puissent mettre l’accent sur l’acheminement de la nourriture gaspillée vers des utilisations finales bénéfiques, par exemple la nourriture pour animaux, les bioproduits et le compostage, elles pourraient en tirer davantage parti en agissant en premier lieu dans le but de réduire la PGA au minimum.

En termes simples, la PGA constitue pour une organisation une inefficacité opérationnelle dont le coût se multiplie à la longue. Sa réduction à la source (c’est-à-dire avant qu’il faille gérer les aliments en tant que déchets) est avantageuse pour la santé financière à long terme de l’organisation. Sa mesure aide à déterminer les économies possibles en mettant en évidence ses causes au sein d’une installation.

« Nous avons déjà beaucoup de pain sur la planche, on ne va pas en plus mesurer autre chose. »

De nombreux gestionnaires de la durabilité se voient déjà confier la tâche de superviser diverses activités de mesure comme celles concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES) ou la consommation d’eau. La mesure de la PGA peut sembler représenter un fardeau supplémentaire. Cependant, la PGA constitue une inefficacité opérationnelle qui n’entraîne pas seulement des coûts directs pour l’entreprise, mais qui est également liée à beaucoup d’autres répercussions sur l’environnement, notamment la pollution de l’eau et des sols et les émissions de GES. Les marges bénéficiaires des entreprises de l’industrie alimentaire sont souvent minces et la lutte contre les inefficacités peut entraîner d’importants avantages en matière de résultats financiers. Ainsi, bien que la mesure de la PGA puisse sembler être « encore une autre tâche », elle peut en réalité offrir d’importants avantages pour une entreprise.

Il est possible d’utiliser les dossiers existants comme source d’information pour les mesures initiales, de manière à adopter dès le départ une perspective de rapport coût-efficacité. Les registres de stocks et les reçus d’opérations de transfert de déchets peuvent permettre d’obtenir une première estimation des niveaux de PGA en n’investissant qu’un minimum de ressources. Le recours à ces documents peut contribuer à alléger le fardeau susceptible de représenter, le cas échéant, la mesure de la PGA pour une entreprise ou une organisation. La section « Registres » de l’annexe A fournit davantage de renseignements sur l’utilisation de ces documents afin d’estimer les niveaux de PGA.

« La mesure de la PGA n’en vaut pas le coût. »

Le coût que représentent la mesure de la PGA, et l’apport de changements en vue de la prévenir et de la réduire, est faible comparativement aux avantages économiques à long terme. La mesure de la PGA aide à déceler les processus de l’entreprise qui entraînent des inefficacités opérationnelles ou de procédé, et à mettre en évidence les étapes où des correctifs sont nécessaires. De nombreuses méthodes de mesure de la PGA peuvent être appliquées en n’investissant qu’un minimum de ressources, tandis que d’autres peuvent nécessiter des investissements plus considérables. Le module « Conseils sectoriels » du présent guide contient des tableaux qui décrivent un éventail de méthodes de mesure et indiquent le niveau de ressources requis par chacune d’elles.

Les coûts initiaux associés à la mesure, à la prévention et à la réduction de la PGA sont fréquemment amortis sur une période relativement brève, souvent en moins d’un an. Le module « Analyse de rentabilisation de la mesure, de la prévention et de la réduction de la PGA » donne plus de détails sur les périodes de recouvrement des sommes investies.

« C’est ce que nous avons toujours fait. »

La perte et le gaspillage d’aliments font souvent partie intégrante des postulats qui sous-tendent le mode de fonctionnement d’une entreprise ou d’une organisation. Par exemple, dans un restaurant qui adopte la formule du buffet, une certaine quantité de restes de nourriture peut être considérée comme un « coût normal de la conduite des affaires ». Toutefois, la mesure de ces restes est susceptible de révéler de possibles moyens de prévenir et de réduire la PGA et de réaliser des économies (p. ex. utiliser des assiettes plus petites, cesser d’offrir des plats peu populaires).

En outre, différents secteurs d’une entreprise ou d’une organisation envisageront la PGA dans des perspectives différentes. Le chef d’un restaurant pourrait considérer les « déchets alimentaires » comme étant de la nourriture conservée dans les réfrigérateurs qui est jetée, mais comme n’incluant pas les restes de la préparation des aliments ou les restes de table. Un serveur dans le même restaurant pourrait ne pas songer à la nourriture jetée qui provient des réfrigérateurs, mais être très conscient de la nourriture que les clients laissent dans leur assiette. En s’assurant que tout le monde utilise la même définition et prend en compte toutes les sources potentielles, on peut parvenir à surmonter une partie de la résistance à la mesure et à la réduction de la PGA. Le module « Définir votre portée » du présent guide peut vous aider à élaborer une définition commune.

« Ça ne fonctionne pas. »

Si un changement se fait difficilement, il est important de comprendre pourquoi. Chacun des éléments suivants peut accroître considérablement la probabilité de réussite :

Par exemple, la Provision Coalition a aidé Ippolito Fruit & Produce, au Canada, à réduire la PGA. À l’étape visant le « renforcement » du processus de gestion du changement, elle a déterminé les étapes clés suivantes qui favoriseraient le changement (Mereweather, 2018) :

Ces étapes peuvent aider à maintenir la motivation du personnel tout au long du difficile processus de changement menant à la mesure, à la prévention et à la réduction de la PGA. Comme dans le cas de tout changement majeur, des défis surviendront en cours de route. Toutefois, si une entreprise dispose d’une solide analyse de rentabilisation et d’une justification rationnelle, elle sera en mesure de relever ces défis.

Les institutions régionales et mondiales reconnaissent de plus en plus qu’il importe de réduire la PGA. Le Plan stratégique de la CCE pour 2021 à 2025 établit que l’économie circulaire constitue l’une des principales priorités à mettre en œuvre afin d’accroître la durabilité, et souligne que « cette perte et ce gaspillage [d’aliments] entraînent d’énormes coûts sociaux, environnementaux et économiques » (CCE, 2020).

En outre, en 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une série de 17 objectifs de développement durable visant à mettre fin à la pauvreté et à protéger la planète. Au nombre de celles visées dans le cadre de ces objectifs, la cible 12.3 consiste à réduire de moitié à l’échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant, tant au niveau de la distribution que de la consommation, ainsi qu’à réduire les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement d’ici 2030.

Les entreprises, les organisations et les autres entités saisissent également l’importance que revêt et les avantages que comporte la réduction de la PGA, mais bon nombre d’entre elles doivent commencer par effectuer leur propre analyse de rentabilisation interne en vue d’agir. Dans l’industrie alimentaire, la PGA est souvent « noyée » dans les chiffres des budgets d’exploitation et acceptée comme un coût normal à assumer lorsqu’on est dans les affaires. Cependant, partout dans le monde, des chefs d’entreprise reconnaissent que la réduction de la PGA est pour eux une occasion d’améliorer leurs résultats tout en contribuant à la sécurité alimentaire et à la réalisation d’objectifs environnementaux. Bien que la mesure de la PGA entraîne certains coûts initiaux, il existe une multitude de données démontrant que les avantages de la mesure et de la réduction de la PGA dépassent largement les coûts de l’inaction à long terme. Les coûts initiaux d’une première quantification de la PGA et de la mise en œuvre d’un programme de réduction peuvent donner lieu à des avantages financiers qui pourront être maintenus pendant des années avec un investissement minime et continu.

Le tableau 1 donne, à titre d’exemple, une liste de coûts et d’avantages associés à la mesure de la PGA.

Tableau 1. Exemples de coûts et d’avantages liés à la mesure et à la réduction de la perte et du gaspillage d’aliments

Coûts Avantages
  • Mesure de la perte et du gaspillage d’aliments et détermination des secteurs problématiques
  • Formation du personnel ou obtention de services de consultation spécialisés
  • Achat d’équipement neuf et/ou réparation de l’équipement existant
  • Changement des pratiques d’achat ou de gestion des stocks
  • Modification des méthodes d’exploitation courantes de l’entreprise
  • Plus grande efficacité opérationnelle
  • Coûts d’exploitation moindres (y compris les coûts d’achat, les coûts énergétiques et même les coûts de la main-d’œuvre)
  • Revenus additionnels tirés d’aliments qui étaient auparavant invendus
  • Réduction des coûts de collecte et de gestion des déchets

Source : Les auteurs

Lorsqu’elles commencent à mesurer la PGA, les entreprises constatent souvent des retombées rapides. Dans bien des cas, un ensemble de solutions simples peut réduire rapidement et de façon radicale la PGA et les coûts qui y sont associés. De nombreuses organisations peuvent obtenir un rendement positif de leur investissement en moins d’un an. En fait, comme le montre la figure 2, on a constaté que les entreprises ont tendance à réaliser des économies médianes de 14 $ par dollar investi dans la mesure, la prévention et la réduction de la PGA (Hanson et Mitchell, 2017).

Figure 2. Rendement moyen des investissements dans la prévention et la réduction de la PDA

Les économies et l’augmentation des revenus sont maintenues avec un minimum d’investissement continu, notamment parce que les comportements et pratiques « exemplaires » en matière de réduction de la PGA sont graduellement intégrés aux méthodes d’exploitation courantes de l’entreprise. Les avantages de l’adoption de méthodes d’exploitation plus efficaces s’additionnent avec le temps.

Outre les avantages financiers qu’elle apporte, la réduction de la PGA peut faciliter l’atteinte des objectifs de l’entreprise sur les plans de l’environnement et de la responsabilité sociale, contribuer à la reconnaissance de la marque et aider à améliorer les relations avec les parties prenantes. Ces impacts sont examinés de manière plus détaillée dans le module « Choisir les indicateurs clés de performance et déterminer les impacts » du guide.

Élaborer votre analyse de rentabilisation

Bien que des données probantes démontrent que la réduction de la PGA génère habituellement des gains économiques, les gestionnaires doivent parfois faire la démonstration des avantages au sein de leur propre entreprise.

Pour ce faire, suivez deux étapes essentielles :

DÉTERMINEZ D’ABORD LE COÛT DE LA PERTE ET DU GASPILLAGE D’ALIMENTS POUR VOTRE ENTREPRISE. Le coût de gestion des déchets (p. ex. le transport, l’enfouissement, le compostage, etc.) représente une faible proportion du coût de la PGA pour votre organisation. Portez attention à la valeur de la nourriture tout au long de la chaîne d’approvisionnement et déterminez les processus, les activités et les services qui contribuent aux surplus invendus et à la perte de nourriture afin d’y trouver des possibilités d’amélioration. Pour maximiser les économies potentielles, centrez votre attention sur la PGA attribuable aux activités de fonctionnement quotidiennes et normales (par opposition aux événements atypiques comme les bris d’équipement). Beaucoup d’entreprises présument qu’une certaine quantité de déchets ou de pertes constitue une caractéristique fondamentale de leur activité commerciale, et il faut donc également vérifier ces suppositions et les mettre en question.

Prenons l’exemple d’un fabricant de tomates en conserve. Chaque mois, ce transformateur envoie une tonne de tomates excédentaires au dépotoir, au coût de 100 $. Or, la même quantité de tomates est évaluée à 900 $ au moment où elle est retirée de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Donc, dans les faits, le coût de la PGA s’élève à 900 $, soit la valeur du produit perdu, plus les frais d’élimination de 100 $, ce qui donne une perte totale de 1 000 $ par mois.

Prenons comme autre exemple un restaurant où il y a de la PGA tant dans la salle à manger que dans la cuisine. Après avoir mesuré la PGA dans la salle à manger, les propriétaires constatent qu’une grande partie de cette perte et de ce gaspillage est attribuable au pain servi gratuitement aux clients avant qu’ils ne commandent leur repas; ce qui entraîne l’envoi au dépotoir de pain excédentaire d’une valeur de 200 $. Dans la cuisine, ils constatent que la PGA est principalement attribuable à un surapprovisionnement en nourriture et que celle qui est excédentaire et qu’ils envoient au dépotoir a une valeur de 800 $. L’expédition de toute cette nourriture au dépotoir coûte 100 $ par mois. Donc, la totalité de la PGA dans la salle à manger et dans la cuisine coûte 1 100 $ par mois au restaurant.

La Food Loss and Waste Toolkit (Trousse d’outils pour l’évaluation de la PGA) de la Provision Coalition est fort utile pour estimer le coût de la PGA dans une entreprise. Elle propose une méthode de calcul par étapes afin de déterminer la valeur de la PGA aux divers stades de la transformation et de la fabrication. Bien que la trousse d’outils soit destinée aux fabricants, les principes qui la sous-tendent peuvent être adaptés à d’autres secteurs.

ENSUITE, DÉTERMINEZ LES AVANTAGES QUE VOUS POURRIEZ RETIRER EN PRÉVENANT LA PERTE ET LE GASPILLAGE D’ALIMENTS. Après avoir évalué le coût de la PGA, évaluez les coûts associés à la prévention ou à la réduction. Dans le premier exemple donné plus haut, le transformateur de tomates pourrait constater qu’il envoie chaque mois au dépotoir 2,5 tonnes de tomates qu’il serait possible d’utiliser pour faire de la soupe aux tomates. La soupe est évaluée à 2 000 $ par tonne et le coût de l’équipement nécessaire à sa production représente un investissement unique de 10 000 $. Donc, dans ce cas, en utilisant les tomates excédentaires dans la soupe pour réduire le gaspillage, l’investissement serait amorti en deux mois et l’entreprise dégagerait ensuite un profit de 5 000 $ par mois. Si l’entreprise ne veut pas utiliser les tomates perdues pour fabriquer un nouveau produit, elle peut tout de même modifier ses méthodes de commande pour éviter le surapprovisionnement en tomates et faire ainsi des économies.

Dans le deuxième exemple, le restaurant peut réaliser des économies en servant du pain en amuse-gueule uniquement sur demande (et/ou en réduisant la taille des portions), ainsi qu’en améliorant la gestion des stocks de nourriture dans la cuisine. Ces deux interventions n’entraînent aucun coût pour le restaurant et elles peuvent immédiatement commencer à donner lieu à des économies de 1 100 $ par mois si elles sont mises en application en totalité.

Mise en œuvre et amélioration au fil du temps

Lorsqu’une analyse de rentabilisation a été acceptée, une entreprise ou une organisation peut mettre en œuvre des solutions rentables pour prévenir et réduire la perte et le gaspillage d’aliments. Afin d’assurer une amélioration continue au fil du temps, il importe de réexaminer périodiquement la situation pour déterminer des possibilités supplémentaires de réduction de la PGA et prendre d’autres mesures correctives, le cas échéant. Or, comme on le voit à la figure 3, la quantification et la mise en œuvre font partie d’une « boucle d’amélioration continue » qui conduit à la longue à des améliorations encore plus importantes. La mesure et la prévention de la PGA ne représentent pas un événement ponctuel, mais bien un cheminement continu.

Figure 3. Le cycle d’amélioration continue de la réduction de la PDA

Source : Provision Coalition, 2020.

Une grande quantité des aliments produits pour la consommation humaine n’est jamais consommée. En poids, environ le tiers de tous les aliments produits dans le monde en 2009 a été perdu ou gaspillé (FAO, 2011). En Amérique du Nord, environ 168 millions de tonnes de déchets alimentaires sont générées chaque année : 13 millions au Canada, 28 millions au Mexique et 126 millions aux États-Unis, ce qui correspond à 396 kg par habitant au Canada, 249 au Mexique et 415 aux États-Unis (CCE, 2017).

Ces chiffres mettent en évidence trois incitatifs à la réduction de la perte et du gaspillage d’aliments : économique, environnemental et social.

Économique : Les énormes quantités d’aliments perdus ou gaspillés sont actuellement incluses dans le coût d’exploitation. Plutôt que de maximiser la valeur des aliments produits, les entreprises et autres organisations ont tendance à se concentrer sur les coûts d’élimination des produits qui sont perdus ou gaspillés. Elles pourraient réaliser d’importants gains économiques si elles trouvaient des façons rentables d’utiliser les aliments qu’elles envoient aux rebuts.

Environnemental : Lorsque des aliments sont perdus ou gaspillés, ce sont aussi tous les intrants environnementaux qui ont servi à les produire qui sont gaspillés (FAO, 2011). Cela signifie que les terres, l’eau, l’engrais, le combustible et toutes les autres ressources qui ont servi à produire, transformer ou transporter un aliment sont gaspillés lorsque cet aliment destiné à la consommation humaine est jeté. De plus, les déchets alimentaires envoyés dans les dépotoirs produisent du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Par conséquent, en réduisant la PGA, une entreprise peut réduire son empreinte environnementale.

Social : Les aliments comestibles excédentaires peuvent être envoyés à des banques alimentaires, des organismes de récupération d’aliments et d’autres œuvres de bienfaisance qui les distribueront à des gens dans le besoin; les aliments seront ainsi utilisés pour une bonne cause au lieu d’être jetés. De nombreuses entreprises estiment que le don ou la redistribution de nourriture est un volet important de leur responsabilité sociale. La nourriture destinée à la consommation humaine n’est pas considérée comme perdue ou gaspillée.

L’expression « ce qui se mesure peut être géré » s’applique à la PGA. La mesure du gaspillage alimentaire permet à une organisation d’en comprendre les causes fondamentales et donc d’agir pour le prévenir.

Le risque du statu quo

Le statu quo présente des risques. Si une entreprise poursuit ses activités en maintenant ses postulats au sujet des niveaux acceptables de gaspillage, elle risque de se faire damer le pion par ses concurrents plus avant-gardistes qui transforment leurs déchets en produits rentables. Les raisons de réduire la PGA sont évidentes, et quiconque en fait fi continuera de gaspiller de l’argent et des ressources. En outre, de plus en plus d’administrations publiques locales, provinciales et nationales interdisent l’élimination des déchets alimentaires ou exigent que les aliments excédentaires soient donnés (Sustainable America, 2017; Christian Science Monitor, 2018). Si cette tendance se maintient, les entreprises pourraient devoir augmenter leurs dépenses pour se conformer à d’éventuels nouveaux règlements.

La hiérarchie de la récupération des aliments

La réduction de la PGA devrait d’abord passer par la prévention, ou la réduction à la source. Bien que certaines destinations des déchets alimentaires aient moins d’effets néfastes que d’autres (p. ex., il est préférable de transformer les déchets alimentaires en nourriture pour les animaux que de les envoyer dans un site d’enfouissement), la prévention devrait être l’objectif principal. Ce principe est illustré dans la Hiérarchie de la récupération des aliments (figure 1) créée par l’Environmental Protection Agency (EPA, Agence de protection de l’environnement des États-Unis).

Figure  1. Hiérarchie de la récupération des aliments

 

Source : Adapté de l’US EPA, s.d.

La réduction à la source (qui consiste à prévenir initialement la production de déchets alimentaires) est la façon la plus souhaitable de s’attaquer à la PGA, parce qu’elle permet d’éviter les impacts néfastes sur les plans économique, environnemental et social associés à la production de nourriture qu’on gaspille. Plus on descend dans la hiérarchie, moins on récupère de valeur des déchets alimentaires, jusqu’à la dernière étape — enfouissement, incinération ou élimination à l’égout — où les impacts environnementaux néfastes sont les plus grands. Sur le plan climatique, à quantités égales, il est six à sept fois plus avantageux d’éviter de produire des déchets alimentaires que de les composter ou de les traiter par digestion anaérobie (biométhanisation) (US EPA, 2016).